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Crise politique au Sénégal : les raisons du changement de ton de la CEDEAO

L'institution sous-régionale a exigé une nouvelle date pour le scrutin présidentiel avant de demander aux autorités sénégalaises de se conformer aux dispositions de la Constitution, faisant dire aux spécialistes qu'elle a durci le ton.


Samedi 3 février, correspondant à la veille de l’ouverture de la campagne électorale, le président de la République du Sénégal a, dans une adresse à la nation, révoqué le décret portant convocation du corps électoral le 25 février 2024. Macky Sall s’appuie sur ce qu’il considère comme une crise institutionnelle, entre le parlement et le Conseil constitutionnelle sur fond de soupçons de corruption contre deux juges de cette juridiction. L’invalidation, par les 7 sages, de la candidature de Karim Wade, fils de l’ancien président du Sénégal est invoquée comme principale raison de cette crise.


La décision du chef de l’Exécutif sénégalais qui a provoqué des manifestations violentes dans son pays n’a pas laissé indiffèrent la communauté internationale. Dans un premier temps, la commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a exprimé sa préoccupation quant aux circonstances qui ont conduit au report de l’élection », lançant un appel aux autorités « à accélérer les différents processus afin de fixer une nouvelle date pour l’élection ».


Cependant trois jours après, l’institution sous-régionale fait évoluer son discours. Mardi 6 février, l’organisation communautaire a encouragé la « classe politique à prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral aux dispositions de la constitution ». Ce changement de ton n’est pas passé inaperçu, suscitant des interrogations sur les raisons qui le motivent.



Pour beaucoup d’observateurs, cette évolution est compréhensible. L’institution sous-régionale fait face, de plus en plus à des contestations de l’opinion sous-régionale aux yeux de laquelle, elle passe pour un « syndicat » qui protège les chefs d’Etat au détriment des peuples. Pour ces observateurs des crises politiques qui secouent la sous-région, il est très difficile pour les populations de comprendre l’attitude d’une institution comme la CEDEAO qui serait toute griffe dehors contre les coups d’Etats armés et indulgente face aux « putschs civils ». Or, à les en croire, le report sine die du scrutin présidentiel du 25 février n’est rien d’autre qu’un coup de force constitutionnel. Ils en sont d’autant plus convaincus que la loi portant report de dix mois des élections présidentielles a été adopté au forceps. Les députés qui s’opposaient au « vote sans débat » ont été expulsés de l’Assemblée nationale par le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).


Donc, pour ces analystes, ce « durcissement » de ton s’imposait de lui-même. Qui plus est, la crise politique sénégalaise surgit au moment où la CEDEAO est confronté à une fronde menée par le Mali, le Burkina et le Niger. Dirigés par des militaires, ces trois pays ont décidé, avec effet immédiat de se retirer de l’organisation qu’ils accusent d’être sous la coupe de puissances étrangères. Un développement qui intervient après que l’organisation a menacé de déployer des forces militaires au Niger pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Et ironie du sort, le Sénégal fait partie des pays qui s’étaient prononcé en faveur de cette opération finalement abandonnée en « plein vol » pour privilégier la voie diplomatique. Ce qui rajoute au malaise d’une organisation qui semble jouer sa crédibilité avec la crise politique en cours au Sénégal. Saura-t-elle dès lors relever le défi ? Elle dit en tout cas, restée « saisie » et « attentive aux évènements », ajoutant qu’elle « prendra toutes les mesures nécessaires pour accompagner le gouvernement et le peuple sénégalais à maintenir la tradition démocratique du Sénégal ». L’organisation semble partager la même inquiétude que plusieurs puissances occidentales qui se sont exprimées en faveur du respect du calendrier électoral.


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