L’insurrection armée liée aux activités de groupes jihadistes au Sahel est en train de prendre une nouvelle tournure. Alors que les armées régulières confrontées à cette guerre asymétrique voient leurs moyens renforcés par leurs gouvernements respectifs, notamment en ce qui concerne les vecteurs aériens, avec l’acquisition de drones de surveillance et de combats, les jihadistes ne sont pas en reste. Ces derniers sont passés à une étape supérieure à travers l’ expérimentant des drones…armés.
Tout a commencé en 2021, lorsque le Jama’at Nusrat al islam wal muslimin (JNIM) ou Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) entame un renouvellement de son modus operandi avec l'exploration de nouvelles techniques et tactiques. Pour mener à bien cette transformation opérationnelle, le groupe jihadiste du touareg malien, Iyad Ag Ghali a investi dans la technique du moment, à savoir l'utilisation de petit drone emportant des charges explosives.
En effet, dans un souci d'adaptation aux réalités de l’espace actuel, le JNIM a mis en place un programme de conditionnement de petits drones pouvant embarquer des charges explosives. Ce programme est mis en place au centre du Mali sous la direction d'un lieutenant de la Katiba Macina.
Pour ce faire, courant 2022, le groupe jihadiste va se procurer de petits drones de type Mavic Pro pour étudier leurs résistances dans les conditions météorologiques difficiles du Sahel. Un ancien jihadiste explique : « dans notre base, il y avait 4 drones Mavic Pro que chaque combattant essayait de manipuler ».
Du fabricant chinois Da Jiang Innovation (DJI), le Mavic Pro est un drone compact et pliable. Lancé en septembre 2016, le Mavic Pro a été l'un des premiers drones à offrir des fonctionnalités avancées dans un format portable. Il est équipé d'une caméra stabilisée sur une nacelle à 3 axes capable de filmer en 4K à 30 images par seconde et de prendre des photos de 12 mégapixels. La stabilisation assure des images fluides même en vol. C’est cet appareil destiné à un usage civil que le groupe jihadiste a détourné à des fins de combat.
Le JNIM enverra également un premier groupe de 6 combattants en Libye suivre une formation sur l'utilisation et le conditionnement des drones. « En Libye, ces combattants ont pu manipuler des drones et appris comment fabriquer les explosifs », explique un expert indépendant. Selon nos informations, ce sont deux groupes de six combattants qui ont été envoyés en Libye pour suivre cette formation.
Cette phase de renforcement de capacité de des ressources humaines passée, début 2023, le JNIM met en place un atelier de conditionnement des drones et de fabrication des explosifs dans des zones du centre du Mali et à la frontière burkinabè.
Après plusieurs étapes de conditionnement et de fabrication des munitions, le JNIM commence la phase d'essai dans ses bases du centre du Mali et à la frontière du Burkina Faso. Notamment dans la forêt de Foulsaré où « un groupe d'experts testent l'efficacité des explosifs et l'autonomie du drone courant 2023 », explique un spécialiste de la zone.
Progressivement, le JNIM réadapte ses drone faciles à trouver sur les marchés de la sous-régions et leurs munitions. C'est ainsi que le 1er septembre 2023, deux drones du groupe larguent deux charges explosives sur une position de la milice Dan Nan Ambassagou à Korondoli, dans la commune de Timiliri (Mopti). Durant, le reste de l'année 2023, le groupe jihadiste continue d'améliorer le déploiement opérationnel de ses drones.
Dès 2024, l'utilisation des drones devient presque systématique par le JNIM qui vise deux fois le camp des Forces de défense et de sécurité burkinabé de Sollé (Loroum), une première fois le 11 janvier 2024 et une seconde fois le 27 janvier 2024.
Les deux tentatives ne font pas fait de dégâts car les charges explosives, des grenades explosives n'ont pas explosé, car l'étui était vide. Le 24 janvier 2024, c'est au tour du camp FAMa d'Ogassagou d’être visé par un drone dont la charge explosive, un obus de mortier, blesse un soldat malien.
C’est dire que les drones sont de plus en plus utilisés par le JNIM en appui à ses opérations pour créer une diversion ou pour maintenir un niveau de menace permanente. Ce nouvel outil est un atout supplémentaire pour le JNIM qui continue de le perfectionner avec des mises à niveau chaque fois qu'une opération a lieu. Un nouveau défi pour les gouvernements des Etats sahéliens qui multiplient les efforts ces dernières années pour venir à bout des groupes jihadistes.
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