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Capitaine Traoré : « Nous ne commettrons pas les mêmes erreurs que Sankara »


I-Sahel vous propose la transcription de l’intégralité de l’entretien accordé par le président de la transition burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré dit IB au journaliste Alain Foka.


Bonjour et bienvenue dans l'entretien d’Afo médias qui reçoit aujourd'hui un invité spécial, le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition, chef de l'Etat du Burkina Faso.


Alain Foka : Bonjour monsieur le Président


Capitaine Ibrahim Traoré : Bonjour Alain.


Merci de nous recevoir. Evidemment, aujourd'hui 30 janvier 2024, on a envie de poser une question puisque c'est d'actualité. Monsieur le président, qu'est ce qui s'est passé ? Pourquoi décider de sortir de la CEDEAO ?


Merci. Comme vous dites. C'est une question d'actualité. Cette décision de retrait donc de ces trois pays regroupés au sein de l’AES (Alliance des Etats du Sahel), créée en septembre 2023 par le Mali, le Burkina et le Niger, est intervenue dimanche dernier. Ce n'est pas de gaieté de cœur que de tourner le dos à une organisation, mais c'est à l'issue d'une analyse profonde.  Et je pense que cette organisation est née en 75 si je ne me trompe avec, pour la plupart militaires d'ailleurs, en tout cas pour ce qui concerne L'AES, ils étaient tous militaires.


Je pense que c'est une volonté d'intégrer les peuples, de faire de l’épanouissement de l'économie, la solidarité de l'entraide, en tout cas des vertus panafricanistes qui ont conduit les chefs d'État à créer cette organisation. Malheureusement, au fil du temps, l’organisation a perdu ces valeurs là et aujourd'hui, le constat est clair. Depuis plus d'une décennie, les Républiques sœurs du Mali et du Niger sont en guerre contre le terrorisme. Et au Burkina, bientôt près d'une décennie, on est en guerre. Nous n'avons jamais reçu d'aide venant de cette organisation. Aucun soldat, aucune logistique, aucune compassion.

 

Monsieur le président, les gens se disent est ce que ce n'est pas en réaction au fait qu'ils n'acceptent pas que vous ayez perpétré des coups d'Etat, que vous partez ?


Les coups d'Etat, on ne le fait pas parce qu'on le veut.  C’est cette manière de voir les choses qu'il faut changer.  Vous êtes d'accord avec moi d’avoir des Etats en crise et faire un coup d'état et assumer ses responsabilités, c'est très lourd. Si on le fait, c'est parce que nous avons une même envie d'amener nos peuples envers une certaine souveraineté parce que nous connaissons l'origine de cette crise. De ce fait, je pense qu'on devrait être accompagnés. Les gens sont fiers de citer qu’il y a tant de millions de déplacés dans ces contrées-là. Mais qu'est-ce que vous faites pour les aider ? Rien.  


Est-ce que vous avez le sentiment que c'est les militaires qui sont plus susceptibles de régler ces problèmes là que les politiques et les civils ? C'est votre sentiment ?


Tout le monde pourrait le faire.


Et comment expliquer que ce soient les militaires qui prennent la main et qui disent : on ne veut plus des civils ?  


Non. Les militaires ne m’ont pas dit qu'on ne veut plus des civils. C'est par patriotisme. Lorsque la nation est en péril, à un moment donné, il faille prendre des décisions importantes. S'il se trouve que ce sont les militaires qui ont le courage de prendre cette décision, et bien qu’il en soit ainsi. De toute façon, civils ou militaires, nous sommes tous les enfants de ce pays. Et quiconque est animé de ce sentiment de pouvoir libérer son pays, il peut le faire. Donc ce n'est pas une question de militaires. Ailleurs, des militaires ont réussi. Ici aussi, les militaires peuvent bien réussir.


Monsieur le Président que répondez-vous donc aux responsables de la CEDEAO qui disent que vous partez parce qu’on a dit qu'on ne veut pas de putschistes parmi nous ?


Il y a beaucoup de putschistes parmi eux. Donc ce n'est pas une question de putschistes, c'est juste un masque.


Quand vous dites des putschistes, des putschistes civils ?


Il y a des putschistes militaires au sein de la CEDEAO qui, aujourd'hui se réclament démocrates. Des civils aussi, il y en a. Pire que des putschistes. Il y en a qui tuent, qui bâillonnent leur peuple sous le silence la CEDEAO qui ferment les yeux et les oreilles. Il y a plein de putschistes au sein de la CEDEAO.  

Monsieur le président quand vous quittez avec effet immédiat, le Burkina, ça concerne beaucoup de monde. Qu'est-ce qu'on fait de la libre circulation des personnes, de vos de vos populations qui sont dans un pays de la CEDEAO que vous quittez du jour au lendemain ? Parce que les textes disent il faut au moins une année pour pouvoir mettre tout ça en œuvre.


D'abord, vous dites que les textes disent mais eux-mêmes n'ont jamais respecté leurs textes.  Ça se fait à la tête du client. C'est ce que nous avons remarqué. Les sanctions infligées au Niger, ça n'existe nulle part dans les textes. Donc les premiers qui violent ces textes-là sont ces soi-disant démocrates. Nous quittons mais nous ne restons panafricains. N'importe quel africain qui veut venir au Burkina, Il est le bienvenu chez lui.


Mais dans le sens contraire, ça va être compliqué. Quelqu'un qui est au sein de L'AES, on peut lui dire qu’il ne peut plus aller en Côte d'Ivoire, au Ghana... Ça devient un peu plus compliqué pour ceux qui font leurs affaires là-bas.


Nous verrons et nous saurons quelles mesures prendre en temps opportun.


C’est bien réfléchi, monsieur le président, ce départ de la CEDEAO ?


Bien sûr, très bien réfléchi.

 

Ce n’est pas un coup de colère ?


Si c'était un coup de colère, on l'aurait fait depuis longtemps. Je pense qu'on a pris le temps d'analyser la situation, de peser beaucoup de choses et enfin de décider dès le premier moment de certaines sanctions. Le peuple a été assez résilient et il faut le dire, ils ont souffert. Donc pendant ce temps, on pouvait décider dans la colère. Maintenant, on a pris le temps d'observer, d'analyser la situation et de nous convaincre nous-même de nos forces avant de décider.


Et vous avez pris tout le monde par surprise. Autre élément dans cette nouvelle façon de dessiner l'Afrique de l’Ouest, l’AES sur le papier, c'est très séduisant, mais est-ce viable ? 


Vous savez très bien que c'est plus que viable. Vous savez, pendant longtemps on a maintenu nos peuples dans une certaine philosophie, tendant toujours à nous faire croire que nous ne pouvons rien sans les autres.  Aujourd’hui, notre mission, c'est d'éveiller les consciences. Vous le faites très bien d'ailleurs, et j'apprécie beaucoup. Il faut qu'on arrive à éveiller les consciences, que les jeunes se rendent compte de ce qui se trouve chez eux. Une organisation pareille, il faut d'abord se rendre compte de ses forces, peser ses faiblesses.  À l'issue de cette analyse, vous décidez. L'AES est très bien viable.  


C’est des économies qui sont très intégrées. Vous produisez la même chose, vous faites exactement la même chose. Qui va vendre à qui, comment ça va commercer ? Et qu'est-ce qu'on fait du fait que ce ne sont pas des pays qui ont au moins une ouverture sur la mer ?  


Les chiffres, c'est une chose, l'économie aussi. Vous savez, nous sommes là il y a très peu de temps, mais l'économie a été, je dirais, un peu déchirée (sic) par des régimes passés. Sinon, nous devrions avoir des économies très fortes aujourd'hui. En analysant nos forces, on se rend compte que nous ne devrions pas être à cette étape. On devrait être beaucoup plus loin.


Quand vous prenez l’AES, en termes de population, en termes de superficie, on est très bien. En termes de production, normalement, les États de l'AES ne devaient rien importer en ce qui concerne les produits agricoles. Aujourd’hui, nous sommes conscients de ça et nous sommes en train de tout faire pour que nous n'importions rien de ce que nous consommons.  En termes de richesse, que ce soit naturel, quand je dis les richesses naturelles, il y a des richesses souterraines, mais il y a aussi celles qui sont en surface, on crie partout que les Africains meurent de faim, de soif et ainsi de suite. Des projets inventés par ci par là, par exemple pour nous donner de l'eau potable. L’AES est une grosse réserve d'eau souterraine. Et même en surface.  


En termes de ressources minérales, on n'a rien à envier à qui que ce soit.  Et dans la nature, quand vous prenez des produits comme le karité, c'est une richesse naturelle. Nous ne l'avons pas planté.  C'est Dieu qui nous l’a donné. Mais c'est très riche. Les gens le prennent, ils le transforment. Donc nous sommes conscients de nos potentialités. L’AES n'a rien à envier à personne.


Pour vous, l'AES peut se suffire, être un ensemble intégré qui fonctionne normalement ?


Parfaitement !


Monsieur le Président, vous êtes là depuis un certain temps déjà, ça fait plus d'un an. Quel est votre bilan dans le domaine de la sécurité ?


C'est la priorité, en fait, comme vous avez dit, ces terroristes, ce qu’ils font, c’est tuer, brûler, déplacer les populations, s'accaparer des terres. Mais je peux vous dire à l'instant T, comme je le disais dernièrement, il n'y a pas de portion du territoire où nous ne pouvons pas partir.


Aujourd'hui, vous allez sur tout le territoire ?


Partout ! les territoires qui étaient sous contrôle, si on peut le dire, depuis trois ou quatre ans, nous y mettons pied.


Et pourtant on parle de plus d'attaques qu'autrefois. Lorsqu'il y avait des armées étrangères sur le territoire.


Vous êtes sûr ? dire qu’il y a plus d'attaques, c'est relatif. Aujourd'hui, nous sommes à l'offensive pour la plupart des zones. Nous ne sommes plus dans une posture de défense. Nous partons vers l'ennemi. Nous cherchons l'ennemi. Lorsque nous avons décidé de prendre notre destin en main, c’est une décision assez importante et très courageuse. Et lorsque vous prenez ce genre de décision, toutes les cellules dormantes se réveillent d'un coup. Et c'est en ce moment que vous vous rendez compte de l'ampleur de la situation du terrorisme. On s'est bien rendu compte. Mais pour faire la guerre, il y a d'abord le patriotisme, y a la logistique, il y a maintenant l'intelligence des situations. Le patriotisme s'est réveillé en tous le burkinabè. Que ce soient les combattants, que ce soient les populations civiles, vous les voyez bien contribuer. Ça n'aurait pas été possible il y a quelques années de cela.


Pourquoi ?


Il faut savoir réveiller le patriotisme en chaque peuple.  Les mettre en confiance. Savoir que leur patrie, c'est la seule chose qui leur reste. Ça, on a réussi à le faire. Voilà pourquoi lorsqu'on leur demande de contribuer, ils le font. On a demandé aux gens de s'armer pour combattre partout où ils sont. Même aujourd'hui, si nous décidons que nous voulons un million de Burkinabè pour combattre, nous les aurons.


Les Volontaires pour la défense de la patrie ?


 Oui, les gens sont prêts, ils sont engagés.


Ce n'est pas dangereux pour eux ?


Non, c'est leur patrie. Partout dans le monde, les gens se sont battus pour leur patrie.  


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Monsieur le Président, ce terrorisme dure depuis un moment déjà dans nos territoires, avec des armées qui sont venues et des sommes extraordinaires, dépensées, de l'arsenal militaire de qualité jusque-là. Comment expliquer que d'un coup vous décidiez que tous les trois, vous allez combattre ça sans les autres ? Est-ce réaliste ?


C'est plus que réaliste.  Il y a eu plusieurs situations. Nous avons eu la chance de faire le terrain. Beaucoup d'autres officiers que vous pouvez croiser ont eu la chance de faire le terrain et ont manœuvré avec ces armées étrangères. Sur votre propre territoire, on vous impose des restrictions.  Ils font ce qu'ils veulent.  Ce qui est encore plus surprenant, imaginez-vous, comme vous avez dit avec toute la technologie qu'ils avaient, ils ont actuellement peut-être des satellites qui observent tout, ils avaient des drones, des hélicoptères, tous types d’appareils, mais on ne voyait jamais les terroristes.  Aujourd'hui, nous avons décidé de faire la guerre. Mais vous vous rendez compte ? On les retrouve tous les jours et on les fouette. Donc il y a un problème.


Pour vous. Il n'y avait pas une réelle volonté de les combattre ?


Aucune volonté de les combattre. S’ils le voulaient, ils pouvaient le faire. Les terroristes n'auraient jamais atteint ce niveau.  


Alors aujourd'hui on dit : s'ils font quelques résultats, c'est parce qu'ils ont avec eux les Russes. On a parlé de Wagner. Les Russes qui vont ouvrir leur première base militaire avec Afrika corps. Monsieur le Président, est ce que les Russes vous aident ? Est-ce que leur aide est meilleure que celle des armées étrangères qui étaient jusque-là présentes ?


Vous savez, pour ce qui concerne le Burkina par exemple, nous avons toujours été en relation avec la Russie. Et je vous dis, l'équipement que les Burkinabè avaient à 80%, c'était des équipements russes.


Ah bon ? 


Bien sûr.


Et pourtant vous aviez une relation plus forte militairement avec les Français. Comment expliquer ça ?


Oui, parce que ces équipements datent des années de la révolution.  Bien sûr, nous avons des équipements qui datent des années de la révolution, qui combattent toujours. Des équipements russes et coréens, nord-coréens qui combattent toujours dans notre armée. L’armée a été délaissée. N'oubliez pas ça. Depuis les années 90, avec le soi-disant programme d'ajustement structurel, tout a été dénaturé. Il y a des militaires qui montaient la garde avec des bâtons.  On a désarmé nos armées. Ça a été bien préparé. Plus d'équipement, plus d'entraînement. Rien. Les gens portaient juste la tenue et le terrorisme s'invite à la danse quelques années plus tard. Ils s'acharnent sur tous les médias, disant qu’ils sont incapables de lutter. On viendra les aider et le terrorisme ne fait que gagner du terrain.


Aujourd'hui, avec la Russie, la relation est d'abord stratégique.  Ça, je pense que vous le comprenez beaucoup mieux que nous. Et avec la Russie, il n'y a pas d’équipement que nous souhaitons payer qu'ils ne vendent pas. Les autres nous imposent des restrictions.


Ils vous disent que vous ne pouvez pas acheter ce type d'arme ?


Bien sûr.


Or les Russes vous vendent tout ce que vous voulez…


Tout ce qu'on veut. Jusqu’à l'instant où je vous parle, on nous bloque les licences de certains avions. Il y a des types d'armes qu’ils ne vont jamais nous vendre.


Et comment on vous l'explique ces restrictions ?


C’est à vous que je pose la question. Où est l’amitié ? Qu'est ce qu'ils veulent ?  Il n’y a aucune restriction avec les Russes, les Chinois, les Turcs, les Coréens ainsi de suite. Tout ce qu'on veut, ils vont nous faire le point. Si on peut payer, on paie. Mais avec ces États qui étaient là, soi-disant nos amis, il y a des restrictions. Il y en a même qui sont arrivés à nous dire qu'ils ne peuvent rien nous vendre de létal.


Donc vous faites la guerre, vous ne pouvez pas tuer celui est en face de vous ?


Les terroristes, ils nous tuent, mais nous, on a peut-être le devoir de ramasser des cailloux. Peut être même si le caillou est létal. Tout ce qui est létal, ils ne nous vendent pas, voilà leur principe.


Les russes, qu’est ce qu'ils prennent en retour ? On sait bien qu'il n'existe pas d'amitié entre les États. C'est toujours des intérêts. Chacun vient pour ses intérêts. Alors aujourd'hui, il y a la peur d'un certain nombre de personnes de voir qu'on a changé un maître pour un autre. Or, je vous connais un tout petit peu pour savoir que vous n'êtes pas dans le remplacement d'un maître par un autre. Que donnez-vous aux Russes très concrètement pour qu'ils soient là est-ce qu'ils prennent des minerais ! Comment vous les payez est-ce que vous vous êtes en train de vendre une portion du territoire ? C’est quoi le deal ?


Si c'était ça le deal, de quitter vraiment un maître pour un autre, one préfèrerait mourir parce que quand on dit la patrie ou la mort, ça a tout son sens. Non ce n'est que du médiamensonge encore. Malheureusement on avait même vu des chefs d'État qui sont tombés dedans et qui sont allés raconter du mensonge soi-disant qu'on a donné des mines à des russes à notre partie sud. Archifaux.  


Il n'y a rien de donné aux Russes ?


 Archifaux !


Même pas une mine ?


Pourquoi donner ? si les Russes veulent une mine, on a le code minier. Ils viennent s'intégrer dedans, on leur donne le permis, ils payent les impôts et ils font tout ce qu'ils doivent faire comme les autres.


Mais avec quoi vous payez les Russes ? Ils ne viennent pas pour vos beaux yeux ?


Les russes sont arrivés au Burkina, (mais) c’est dernièrement que les instructeurs sont venus parce qu'ils doivent venir instruire les militaires sur les équipements. Et c'est avec tous les pays d'ailleurs. Ce n'est pas les Russes seulement. Quand on signe un contrat pour acquérir un équipement, on signe le contrat avec la formation.  Il y a plein de Turcs ici. Pourquoi ils n'en parlent pas.


Qui eux, sont spécialisés dans les drones.

 

On a payé des drones avec la Turquie, avec un contrat d'assistance, il y a plus d'un an. Depuis que nous nous sommes là, les Turcs sont là. Pourquoi on n'en parle pas ? Ils nous appuient. Ils ont formé nos équipages en Turquie, ils viennent ici, ils les assistent et ils continuent de les former dans le pilotage, la maintenance et tout. On a le contrat sur un temps donné. Lorsque nos hommes seront bien formés, ils vont partir.  Les Chinois, ils sont là, les équipements qu'on paie avec la Chine sont là. Les (Chinois) sont là aussi pour former à la manipulation de ces équipements-là. C'est ça la réalité.


"Pour le moment, pas de Russe sur le terrain"


Les Russes sont sur le terrain ou pas ?


Sur le terrain pour combattre ? Non, il n'y a aucun Russe sur le terrain pour combattre. C'est des choses développées dans la tête des gens. Mais s'il y a besoin, ils viendront sur le terrain combattre. Ça, je peux vous l’assurer.


Vous ne vous l'interdisez pas ?


Non, mais pour l'instant, on se bas seuls. Ils (les Russes) nous appuient en termes de formation sur la logistique, formation tactique etc.


J'avais posé la question avant qu'on nous fasse une digression. Sur votre bilan sécuritaire, alors qu'est-ce que vous avez fait de façon à ce que les Burkinabés puissent dire : le président Traoré est arrivé et il nous a régler tel ou tel problème en interne ?


Ça nous, nous n’en parlons pas. J’ai bien dit même à certains ministres de la communication haute, Je ne veux pas que nous parlions trop de notre conquête. Laissez les villageois parler eux-mêmes. Il y a plusieurs villages qui ont été réinstallés, des écoles qui ont rouvert dans plusieurs zones. Mais souvent, le fait de dire qu'il n'y a pas d'avancée, ça amène les villageois eux-mêmes à faire des vidéos pour dire aux-même : c'est faux. Dernièrement, il y a eu quelques reportages pour vraiment confirmer que des déplacés sont rentrés chez eux et même vendent aujourd'hui leurs activités de produits maraîchers sur le marché. Ça veut dire qu'ils sont rentrés il y a plusieurs mois et ont eu le temps de cultiver…


Parce que vous êtes passé à l'offensive ou parce qu'il y avait VDP ?


L'offensive, c'est avec les VDP, bien sûr. Vous savez, je parlais tout de suite de patriotisme et de logistique. C'est le deuxième volet qui nous faisait défaillance.  Mais écoutez, quand vous prenez par exemple l'attaque de Djibo en novembre dernier. Dès qu'il y a eu l'attaque, il y a eu la riposte des éléments de Djibo et des vecteurs aériens. Dès le lendemain, des bataillons d'intervention rapide ont fait un mouvement vers Djibo avec le ravitaillement. Et on continue et on marche sur la base terroriste de Baraboulé où on n’a jamais été depuis 2019. C'est à partir de là que se préparent toutes les attaques. De Baraboulé jusqu’à Pétékoli, à la frontière, ils (les combattants burkinabè) ont marché sur les bases terroristes. S'il n'y avait pas de logistique, ce serait impossible. On allait s'asseoir, planifier l'opération. Ça prend déjà un mois, plus d'un mois pour chercher à rassembler la logistique et les hommes, c'est comme ça que ça se passait.  Et pour rassembler la logistique, je vous fais une confidence : il est arrivé des moments, qu'on aille emprunter des armes à des pays voisins, pour faire des opérations avant de les rendre. Et tout ça a fait qu'on a eu une très mauvaise image de nous.  Aujourd'hui, dès qu'il y a une attaque, on a dit aux bataillons d'intervention de bouger parce qu'ils sont entièrement équipés, prêts au combat.  On n'a pas un petit délai à perdre et immédiatement ils décollent et il fonce au combat. C'est comme ça que ça se passe maintenant. Et on a plusieurs bataillons qui sont équipés, qui sont positionnés un peu partout dans le pays.  Et c'est ça aussi la montée en puissance en termes logistique étatique.


Monsieur le Président, quand on voit tout ça avec toute la logistique dont vous parlez, avec les Russes que l'on fait venir pour former comme vous l'avez dit, vos troupes à vous, ça fait beaucoup d'argent est-ce que l'économie burkinabé peut tenir longtemps avec ça ?

 

Ça fait beaucoup d'argent. Voilà pourquoi je dis que nos pays ne sont pas pauvres.  Il y a eu la mal gouvernance, il y a le vol, le pillage de nos ressources.  C'est ça, c'est de ça qu'il s'agit.  Je prends un exemple.  Aujourd'hui, il y a le fonds de soutien patriotique (FSP).  Les populations contribuent et on entretient en grande majorité donc les volontaires pour la défense de la patrie avec. Et le reste de l'armée qu'on est en train d'équiper ? Tous ces moyens qu'on est en train d'acquérir. C’est là qu’est la gouvernance, les finances. Il y a des ressources, on a des potentialités, mais si c'est mal géré...


Pour vous, les pays ont de quoi tenir en produisant et en faisant juste une bonne gouvernance ?


Comment est-ce qu’on arrive à acquérir le matériel, ce n’est pas pour nos beaux yeux comme vous dites qu'on nous donne. On paye.  Mais c'est la gestion. On arrive à gérer parce que dans tous les départements, tous les secteurs ministériels, chacun fait de son mieux pour rationaliser. Vous savez, il y a cette habitude de corruption au haut niveau, de surfacturation… lorsque quelqu'un fait les élections, surtout en Afrique, c'est comme une entreprise, on le finance. C’est une habitude ici. Il distribue des billets pour qu'on vote pour lui., c'est un investissement et dès qu'il arrive (au pouvoir), il est obligé de piller pour rembourser.  Pas ça avec nous.  On n'a pas de compte à l’extérieur, on n'a rien, on n'en veut pas. Tout est orienté vers la guerre. Si vous prenez le domaine du pétrole vous savez que l'État subventionne les produits Äpétroliers, l’essence, le gasoil pour que les Burkinabè paient moins cher. En 2022, par exemple, les subventions étaient autour de presque 500 milliards FCFA que l'État paie. En 2023, on est à moins de 100 milliards de FCFA de subventions.


C'est à dire que vous avez fait une économie de 400 milliards...


Comment vous expliquez ça ? On était libre nous aussi, lorsque les gens font leurs propositions de dire à la SONABI :  telle personne va faire une proposition à tel prix, mais vous prenez à tel prix et le risque, vous nous donnez et on part ouvrir nos comptes offshores et on met dedans. C'est comme ça que ça se passe.


Et on vous tient à partir de ce moment-là quand vous avez ouvert des comptes à l'extérieur.


Mais bien sûr, si vous vous amusez, on dit on va geler vos comptes. On n'a pas de compte. Donc tout est orienté vers la guerre. Ces économies, ça paie l'équipement.  


Monsieur le Président, il y a eu une longue discussion sur le fait que combien de temps vous allez rester ? Quand est-ce que vous organisez des élections ? Combien de temps va durer la transition ?  Est-ce qu'aujourd'hui vous avez une réponse à ça ou vous pensez que ce n'est pas la priorité pour vous ?


 J'allais vous poser une question en retour avant de vous répondre.


Mais je ne suis pas là pour poser pour répondre aux questions.


C'est un débat et ça fait plaisir.  Si dans six mois, on décidait d'abandonner le peuple, vous en tant qu’homme très objectif et conscient de notre situation, qu'est-ce que vous allez dire ? Quel serait votre commentaire ?


Honnêtement, je préfère m'abstenir. Même si vous savez le fond de ma pensée.


D’accord, c’est pour vous dire que c'est fatiguant. Mais la seule chose qui nous fait tenir, c'est l'amour du peuple.  On se nourrit de ça, on s'abreuve là-bas. Depuis que nous sommes là, nous n'avons jamais pris un seul jour de congé. En tout cas tout l'exécutif.


Quand vous dites ça, les hommes politiques se disent : nous, c'est notre métier. Puisqu'il y en a qui en ont fait leur métier. On a envie de revenir à la démocratie. On a envie de revenir au Parlement avec des gens qui sont élus. On veut faire parler le peuple. Qu'est-ce que vous leur dites ? Qu'on va rester comme ça ou bien qu'on va mettre sur pied un modèle nouveau qui va mettre peut être les choses sur les rails ?


Leur métier ? Ils ont appris où ce métier ? Nous ne voulons pas que les gens apprennent ce métier d'ailleurs et venir l'appliquer ici. Nous voulons créer un modèle parce que la manière de faire les choses ici, ce n'est pas la bonne manière. Il y a beaucoup d'accords que nous sommes en train de dénoncer et beaucoup d'autres sont à venir. Ah oui, la révolution sur ce volet n'a pas encore commencé. C’est pourquoi j'ai dit que nos économies vont très bien se comporter.  Les gens signent des accords pour leurs propres intérêts. Comme je dis, c'est des investissements. Malheureusement, les chefs d'État africains, ceux-là qui se mettent dans ce giron de politicien de métier n'ont pas compris. Comment est-ce qu'on peut donner, je ne sais pas comment je vais expliquer, c'est inconcevable…


Mais pour vous, monsieur le président, aujourd'hui, il n'est pas question de parler de d'organisation, d'élections, de fin de transition.


Ah oui, on va organiser les élections comment à l'instant T ? Hormis le système qui est en place, qu'il faut revoir, les élections, ça concerne tout le Burkina Faso.  Vous pensez qu'ils sont prêts aujourd'hui à aller à Sollé, à aller à Falanguntu pour faire les campagnes ? Mais ce sont des Burkinabè. Ils doivent voter.  Il faut qu'il y ait un minimum de sécurité pour que s'il y a campagne, les gens puissent aller partout au Burkina, expliquer leurs idées au peuple burkinabé pour qu’il choisisse parce qu'il n'est plus question d'aller distribuer des billets. Et il y aura des réformes sur le code électoral. C'est fini ça. Si on vous prend dans ça, vous serez disqualifié. Mais c'est pour vous dire qu'il y aura des réformes. Cette manière de faire, d'aller acheter les consciences, c'est fini. Notre mission, c'est d'éveiller les consciences et que les gens n'acceptent plus jamais ça. Si vous pensez pouvoir gouverner le pays, vous expliquer votre programme politique. Et peut-être qu'au bout d'un temps, le peuple va vous évaluer pour savoir si vous devez continuer votre mandat ou pas. Bref, on ne dira pas tout, mais il y aura des réformes sur le plan électoral et pour qu’il y ait élections, tous les burkinabais doivent voter.  


Monsieur le Président, je reviens à l'AES qui est quelque chose d'important pour vous puisque vous en faites le cheval de bataille dans cette guerre. Quelles sont les relations avec les autres chefs d'État du Niger et du Mali et Est-ce que on peut envisager un élargissement de cette alliance aux Etats qui ne sont pas dans le Sahel ?  


La possibilité d'élargir et je commence par-là, c'est possible. Dans la charte, c’est prévu. Donc on a fait une ouverture. Mais les rapports entre nous, c’est fraternel.  C'est ce qu'on rêvait de l'Afrique qui se réalise actuellement.


Vous partagez la même vision sur l'Afrique. Quelquefois, les gens sont jaloux de leurs prérogatives dans leur pays…


Non, nous partageons la même vision et nous faisons la même mission. Et si vous regardez à travers les communications, tout ce que nous faisons, c'est pour éveiller les consciences. Pourquoi un chef d'Etat va se mettre à vouloir que son peuple se réveille ?  Les autres ont tendance à ce que les peuples s’endorment pour qu'ils puissent continuer de faire ce qu'ils veulent. Nous, on veut que les peuples se réveillent pour que même après nous, que les gens ne laissent plus jamais des individus venir les mettre dans ces conditions-là. Donc que ce soit au Niger, au Mali ou ici, si vous remarquez dans notre communication, c'est toujours faire comprendre ce qui se passait avant. Et aujourd'hui, comment nous arrivons un peu à casser les chaines de l'esclavage. Donc c'est ça. Il faut qu'on arrive à faire en sorte que tout le monde brise les chaînes de l'esclavage et c'est ça notre communication et c'est très important. Ça, c'est une vision.  


Deuxièmement, en ce qui concerne notre autodétermination, à nous auto-suffire sur le plan alimentaire, il y a beaucoup de choses qui sont développées dans nos régions. Par exemple, quand on prend des cultures comme le blé, d'ailleurs, quand on disait que ça ne peut pas se faire dans nos contrées, nous on le fait aujourd'hui à grande échelle au Mali, ils le font à grande échelle, le Niger également. Le message, c'est de faire comprendre à nos populations que nous n'avons pas besoin d'importer. On peut tout produire ici et même exporter.


"Je n'ai pas peur..."


Est-ce qu’aujourd’hui, monsieur le Président, vous n'avez pas peur pour vous-même ? Nous avons vécu la période de Thomas Sankara qui est un peu votre modèle, puisque beaucoup vous comparent à lui par vos idées, par votre manière de vous comporter, par vos choix.  On sait comment ça s'est terminé.  


Oui, vous avez raison et c'est la question que tout le monde se pose. C’est la phobie du peuple burkinabè. Lorsqu’ils pensent à ça, ils ont toujours peur pour moi. Pour ma personne, je n'ai pas peur.  La peur, nous ne la connaissons pas. Nous avons fait face à la mort plusieurs fois. La côtoyer. Dieu a fait que nous soyons vivants, on rend grâce à Dieu. Donc la peur, on ne la connaît pas.Mais on a analysé le passé. Sur certains volets, peut être que le président Thomas Sankara a fait des erreurs lorsqu'il a dit par exemple « laisser les amis trahir l'amitié ». Ce n'est pas à nous de trahir l'amitié.  Je pense que cette phrase l'a emporté.


Pour vous, il aurait dû être à l'offensive.  


Nous n'allons plus commettre les mêmes erreurs, ça c'est sûr. Et l'impérialisme, comme il a dit, est un très mauvais élève. Lorsqu'il est chassé, il revient avec les mêmes méthodes. Nous ne le serons pas les mêmes erreurs se reproduire.


Aujourd’hui, monsieur le Président, quelles sont vos relations avec la France et avec l'Union européenne ?  


Nous n'avons pas de relation particulière. Les relations internationales sont ce qu'elles sont. Ça se passe comme ça doit se passer, si je puis dire.  Il n'y a rien de méchant. De toute façon, le Burkina est en train d'affirmer sa souveraineté. Tout pays ou toute organisation qui respecte cela, Nous sommes en bonne relation. Mais lorsque vous ne voulez pas cela ou vous voulez nous dicter ce que nous devons faire…


Mais vous vous parlez quand même, non ? 


Bien sûr, on se parle. Dernièrement, on a reçu le nouvel ambassadeur de l’Union européenne. Je sais que vous avez suivi, il est là, il travaille, il n'y a pas de problème.  L'ambassade française aussi est toujours là. Ils continuent leurs activités.


Et les Américains.


Ils sont là.  


Donc il n'y a pas de souci de ce côté. La coopération continue…


Tant qu'on va respecter notre ligne idéologique, tant qu'on va respecter notre souveraineté, tant qu'on va respecter le fait qu'on veuille briser nos chaînes et être indépendant.


Ça me donne l'occasion de terminer là-dessus. On sait que la CEDEAO n'est pas d'accord sur la sortie. Est-ce que vous acceptez encore la négociation ? Est-ce que c'est envisageable que vous reveniez à de meilleurs sentiments ou bien c'est terminé.


Il ne faut pas commettre certaines erreurs. Je viens de vous le dire. Notre itinéraire, c'est un chemin de non-retour.  Tout ce que nous faisons, c'est à dire les chaînes que nous sommes en train de briser, c'est pour toujours.


Donc, plus jamais de céder CEDEAO ?


Non, c'est fini.


Si on entre là-dedans, ça veut dire aussi que dans quelque temps, vous allez vous attaquer à la monnaie qui est le CFA ?


Probablement (…) Il n'y a pas que la monnaie, tout ce qui est lien qui nous maintient dans l'esclavage, nous allons briser ces liens.  


Monsieur le Président.


Je vous en prie, je vous en prie.


Retranscrit par I-Sahel




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