Après avoir repris plusieurs villes du nord, les autorités de la transition invitent les Maliens à un dialogue purgé de toute influence extérieure.
Au Mali, le processus de paix et de réconciliation sous l’égide de la communauté internationale a connu de nouveaux développements depuis l’arrivée des colonels au pouvoir. La nouvelle doctrine de Bamako pour la reconquête du territoire national y a beaucoup contribué. En effet, depuis aout 2022, les hostilités ont repris entre les militaires maliens et les mouvements rebelles réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD). Equipée de drones de surveillance et de combat du fabricant turc Baykar, l’armée malienne n’a pas mis du temps pour reprendre des villes du nord.
Tenions avec Alger
Dans ce contexte, Alger qui préside le comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord de paix signé en 2015 a reçu des membres des groupes rebelles maliens. Ce qui a irrité Bamako qui, pour manifester sa colère a, à travers son ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop convoqué l’ambassadeur algérien. Lors de ce tête-à-tête entre M. Diop et El Houes Riach, il a été aussi reproché aux autorités algériennes d’avoir déroulé le tapis rouge aux « personnalités hostiles » à la transition. Allusion faite à l’influent chef religieux malien, Imam Mahmoud Dicko reçu avec les honneurs par le président algérien.
En réponse à la colère de Bamako, les dirigeants algériens ne se sont pas contentés d’un communiqué rappelant le sens de leur implication dans la recherche de solution à la crise malienne. L’ambassadeur algérien, El Haoues Riache a été rappelé à Alger. La réponse malienne n’a pas tardé, creusant l’abcès entre les deux pays.
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C’est dans cette dynamique que le président Assimi Goita a annoncé l’appropriation du dialogue direct inter-malien, lançant l’idée de larges concertations pour la paix et la réconciliation au Mali. Cette annonce faite à l’occasion du discours de nouvel an a été décryptée par plusieurs spécialistes de la crise malienne comme un enterrement tacite de l’accord de paix signé entre les mouvements rebelles du nord et les autorités de Bamako, avec la facilitation de l’Algérie. Le CSP a réagi, qualifiant la sortie du président malien d’aveu de caducité de l’accord de paix.
De son côté, revigoré par ses victoires militaires dans le nord, symbolisées par la reconquête de Kidal où l’armée malienne n’a pas mis les pieds depuis dix ans, le gouvernement de transition met les bouchées doubles pour la tenue du dialogue entre Maliens. Une note du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation demande aux gouverneurs de régions d’« organiser », vendredi 5 janvier, « une rencontre du cadre d’échanges avec légitimités traditionnelles pour les informer » de l’« initiative du président de la transition et demander leurs bénédictions ».
« Les ennemis du Mali ne connaîtront point de repos...»
Preuve supplémentaire que la machine est vraiment enclenchée, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara qui participait, jeudi 4 janvier, à la cérémonie de remise d’un nouveau lot de drones turcs à l’armée malienne, est revenu sur le sens de l’appropriation nationale des questions d’accord de paix. Selon le colonel Camara, « il s’agit de trouver des solutions maliennes aux problèmes maliens ». Faut-il y comprendre que même les groupes jihadistes ne seront pas exclus ? Dans son allocution, le ministre a lancé un appel aux « frères maliens égarés à rejoindre la République pour le vivre ensemble»; non sans avertir les «les ennemis de la Nation». Pour le colonel Camara, ces derniers «ne connaîtront point de repos dans leurs grottes ». Il paraît dès lors clair pour les autorités maliennes qu'il n'y aura pas lieu de transiger sur la question liée à l'intégrité du territoire.
Quid des médiateurs internationaux ? Rien n'indique qu'ils joueront un rôle dans ce processus enclenché même s'il est fait état du retour à Bamako de l'ambassadeur algérien depuis le 5 janvier.
I-Sahel
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